Entrevue avec Nathalie Banes et Julien Merle

Primavin: Premièrement, bienvenue chez Primavin ! Vous êtes nos deux dernières recrues. Pourriez-vous nous parler de vos parcours respectifs et nous dire ce qui vous a amenés dans le monde du vin ? 

Nathalie : En 2013, j'ai fait la rencontre fortuite avec Julien, et à l'époque, je n'avais aucun lien avec le milieu agricole! J'avais envie d'en savoir plus sur le domaine du vin, car je buvais du mauvais vin :) Julien m'a beaucoup appris, et j'ai fini par reprendre des vignes, totalisant maintenant 4 hectares. 

Julien : En tant que vigneron de 5e génération, le vin a toujours été une partie de ma vie. Pendant plusieurs années, je faisais du vin pour d'autres sans vraiment connaître le vin nature. C'est en découvrant Christian Ducroux, pionnier du vin nature dans le région, que j'ai été inspiré et que j'ai commencé à créer des vins plus qualitatifs. Travailler avec Nathalie m'a permis de renouer avec l'histoire de ma famille et de produire des vins que mon grand-père aurait pu faire. 

Primavin : Comment décririez-vous chacun votre style et votre signature particulière dans la vinification ? 

Nathalie : Chaque année, mes vins portent leur propre histoire, j'utilise à peu près toujours les mêmes techniques de vinification. Mon approche consiste à laisser la nature s'exprimer dans mes vins!

Julien : Je me considère comme un militant de l'agriculture paysanne, et mon style est axé sur la réalité du terrain. Je veux comprendre la mécanique du vivant sans recourir à l'ésotérisme ou à la magie pour substituer au travail. Pour moi, la qualité du raisin est primordiale, et je m'efforce de respecter les humains et l'environnement dans tout le processus de production. 

Les chevaux comtois ont une place importante dans notre exploitation viticole à Nathalie et moi. Depuis toujours, on utilise des chevaux pour travailler dans les vignes, car elles sont étroites, les chevaux étaient donc une solution idéale pour nous aider dans les travaux agricoles. Malheureusement, ce savoir-faire s'est perdu au fil du temps, et peu de personnes aujourd'hui maîtrisent ces connaissances. 

Apprendre à gérer les vieilles charrues avec des chevaux a beaucoup de sens pour nous. Nous ne nous occupons pas seulement des aspects végétaux de la viticulture, mais également des animaux qui nous aident dans notre travail. L'utilisation des chevaux dans les vignes apporte une présence animale qui est importante pour nous. 

Rudolf Steiner, fondateur de l'agriculture biodynamique, évoque également la présence des animaux dans les vignobles. Malheureusement, de nos jours, certains vignerons se revendiquant en biodynamie n'ont même pas d'animaux. Pour nous, l'intégration des animaux dans notre travail est une conviction profonde qui renforce notre lien avec la nature et notre respect de l'écosystème dans lequel on évolue. 

 

Primavin: Pourquoi le Beaujolais ? Est-ce une histoire de famille ou une histoire d'amour avec la région ? 

Nous avons la chance d'être situés dans une région magnifique à seulement 30 km au nord de Lyon, avec ses villages médiévaux à l'architecture éblouissante. Le Beaujolais était autrefois une région très productiviste, mais nous avons décidé de nous installer ici pour faire évoluer notre vision et produire des vins de qualité. Nous avons également un gîte au domaine pour héberger les vendangeurs à l'automne et des randonneurs le restant de l'année.

Primavin : Vous êtes également un couple dans la vie. Comment cela influence-t-il votre travail ? Comment apprenez-vous l'un de l'autre tout en maintenant vos styles distincts ? 

En tant que couple, nous sommes en parfaite harmonie dans notre approche du vin. Nous nous influençons mutuellement et apprenons continuellement l'un de l'autre. Cette complémentarité nous permet de développer nos styles distincts tout en travaillant ensemble vers un objectif commun. 

Primavin : Pourriez-vous nous parler un peu des millésimes que nous venons de recevoir, le 2021 pour Nathalie et les 2019-2020 pour Julien ? Quelles sont les particularités de ces vins ? 

Nathalie:

Pappouth 2021 : Les sucres ont terminé leur fermentation après la mise en bouteille, ce qui lui donne un caractère frissonnant dès le premier verre. Les raisins ont été récoltés au cheval et sont pressés directement. Pour obtenir la couleur pâle, je refroidis la cuve pour précipiter les matières colorantes au fond. Le résultat est un vin à l'acidité présente, mûr mais pas confit, tendu. Ça goûte le blanc de noir ! 

La Saoulée 2021 : Ce vin provient d'une autre parcelle, située plus bas près de la vallée, avec des sols sablonneux différents. Il est plus épicé, presque poivré, c'est très élégant. Les vignes ont environ 40 ans. 

Nathalitre 2021 : Cette cuvée provient d'une vigne située à 500 mètres d'altitude, avec un sol argilo-calcaire. C'est un vin facile à boire, d'où le format en litre plus festif, et les vignes ont entre 40 et 50 ans. 

Julien:

Champ blanc 2020 : Cuvée 100% gamay qui provient de sols très pauvres en terre arable, principalement du granite. Ces terroirs sont entre les mains de ma famille depuis des générations, ce sont les terres que je connais le mieux, ce qui en fait mon vin chouchou. Le vin est très net, mes vignes ont 15 ans et ceux de ma famille ont 90 ans. Comme c'est un vin de France, il n'y a aucune obligation de cahier des charges. J'utilise la cuve en béton pour l'échange thermique et sa neutralité qui évite l'ionisation et le goût de réduction de la cuve inox. 

Passé du merle 2018 (bientôt disponible) : Ce millésime a été marqué par une année très solaire. Le vin a été élevé en vieux fûts pour détendre les tannins. C'est un vin un peu plus sérieux, mon allié par excellence pour convertir les plus frileux au vin nature et à notre philosophie. 

Blanc bec 2019 : 100 % chardonnay, un vin très différent de ce que l'on trouve généralement dans le Mâconnais. Je ne voulais pas faire un copié-collé du style de la région avec un vin floral et tendu. Au contraire, on a récolté les raisins à pleine maturité. La fermentation malolactique est faite, ce qui lui donne un profil beurré brioché avec une touche de sucre résiduel de 15 g/l. C'est un vin généreux et versatile pour les accords gastronomiques (fromages en fin de repas ou des plats asiatiques épicés), il ne faut pas s'arrêter au sucre. Avec l’acidité qui est bien présente c’est très bien balancé !  

Primavin: Pour vous, qu'est-ce qu'un vin nature et pourquoi est-ce important ? 

Le concept de vin nature n'est pas toujours bien défini, et certains domaines s’en revendiquent sans respecter réellement la philosophie. Pour nous, c'est avant tout travailler avec du raisin sans ajout de produits exogènes et sans filtration. C'est laisser le terroir et la nature s'exprimer pleinement dans le vin. Toutefois, il est essentiel d'être honnête et réaliste, nous ne sommes pas des Ayatolah du vin zéro sulfites. Nous préférons un vin qui garde son fruit avec une petite quantité de soufre plutôt qu'un vin totalement éteint sans aucun sulfite. L'important est de trouver un équilibre et de laisser une marge de tolérance dans l'expérience gustative des vins naturels. 

Primavin : Quels sont vos accords de prédilection ? 

Julien : J'adore les textures dans les accords. Une pâte à pizza fraîche, un flanc, un pain raté, ou encore des crêpes artisanales me plaisent beaucoup. Les accompagner avec une bouteille de Champ blanc ou une bouteille de Simon Tessier Le point du Jour en Val de Loire est toujours un régal. 

Nathalie : Pour ma part, j'aime particulièrement les tomates du jardin avec du basilic et de l'huile d'olive, ainsi que les petits pois frais avec un Pappouth peut-être ! 

Primavin: Comment s'annonce l'année 2023 pour vous ? 

Le millésime 2023 a été un peu compliqué avec des épisodes de grêle, du mildiou et des conditions météorologiques humides en milieu de saison. Les épisodes tropicaux ont également favorisé le développement des maladies, rendant la saison délicate. On s’en reparle l’an prochain ! 

Primavin: Avez-vous un restaurant fétiche dans votre région ? 

À Lyon, on aime beaucoup le restaurant Les 5 Mains. Ils travaillent les vins naturels depuis longtemps et proposent des vieux millésimes venant de leur cave exceptionnelle. La cuisine est certes classique, mais très élaborée et avec de bons produits de qualité. Un régal lyonnais!

Primavin : Avez-vous des projets futurs en vue, peut-être une cuvée collaborative ? 

Pas de projet de cuvée collaborative pour l'instant 😊 Par contre, on souhaite continuer à déconstruire les idées préconçues autour de notre métier d'agriculteurs et de vignerons. On veux parler de ce qui est réellement important pour nous, pousser plus loin le concept d’autonomie paysanne et peut-être nous aventurer vers d'autres activités que la production de vin, comme la culture de petits fruits et d'arbres dans notre jardin. 

Pour terminer, on est extrêmement heureux de voir nos vins de nouveau disponibles au Québec et on est très fiers de cette nouvelle collaboration. 

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