Entrevue avec Marc Frandon

 

Primavin : Salut Marco ! Quel plaisir de t'avoir en personne avec nous au Québec! Parle-nous un peu de ton parcours. As-tu toujours su que tu te dirigeras vers le merveilleux monde du vin ?

Marco : Wow, c'est une grande question ! En réalité, tout a commencé en 2003. Ma vie a pris un tournant inattendu lorsque j'ai rencontré une amie qui se trouvait alors dans la région de Côte-Rôtie, à Ampuis. À l'époque, j'étais en train de finaliser mes démarches pour devenir résident au Québec. J'étais un joueur de rugby, et les vignerons locaux étaient au courant de ma décision de mettre fin à ma carrière sportive. Ils ont voulu que je rejoigne leur équipe, et c'est ainsi que nous sommes devenus amis et que j'ai tissé de magnifiques liens avec eux! Il fallait bien que je bosse, donc j'ai commencé à vendre des bouchons, des bouteilles et des barriques pour la région, et nous avons fini par détenir 98% du marché local. Naturellement, j'ai commencé à déguster les vins à la cave lors de mes visites.

J'avais la vallée du Rhône et l'Auvergne comme secteurs de travail, et c'est là que j'ai rencontré Fred Gounan en 2004, au vignoble de l'Arbre Blanc. Cette rencontre a été un véritable choc pour moi, car le vin nature ouvrait un monde totalement nouveau... On vivait de vrais émotions là!

Je me suis ensuite spécialisée dans la vente de bouchons uniquement, couvrant une vaste région dans le Sud-Est de la France. Même s'il n'y avait pas beaucoup de vins naturels à l'époque, chaque fois que j'en trouvais un, je faisais de mon mieux pour le déguster et poser milles questions.

En 2007, j'ai cessé de vendre des bouchons et j'ai commencé à m'investir dans le coaching de rugby. Puis en 2008 j'ai déménagé au Québec, arrivant le jour de la Saint-Jean-Baptiste! Ça fête fort au Québec je me suis dit! 😅 J'avais toujours rêvé de devenir danseur, comme j'avais déjà beaucoup dansé le tango. J'ai finalement compris que le vin vivant était un appel au mouvement, jamais figé dans le temps, et cela m'a profondément appelé.

J'ai travaillé à la fromagerie Hamel, puis à la SAQ en tant que caissier-vendeur (eh oui!) avant de partir en voyage pendant 7 mois pour rendre visite à des amis à travers le monde. À mon retour en 2009, j'ai hésité entre travailler dans la vente de vin et la restauration. J'ai finalement choisi l'importation privée.

Primavin : Wow! Tout un parcours! Et tu as commencé avec quels artisans au début?

Marco : Ma première commande comprenait des vins de cinq vignerons : Château Mirebeau, Jouveaux, L'Arbre Blanc, Nicolas Reau et Hirotake Ooka !

Primavin : Comment les gens réagissaient-ils en 2009 face au vin nature ?

Marco : La réponse était positive, les sommeliers étaient très curieux ! Ça sortait des normes et provoquait des réactions intéressantes! 😉

Primavin : On comprend bien que c'est toi qui choisit les artisans du portfolio Primavin. Comment tu assures la qualité de tes sélections ?

Marco : C'est un devoir pour moi de déguster chaque année avec les vignerons pour comprendre l'impact du millésime, car dans le monde du vin nature, les choses peuvent évoluer rapidement. C'était donc essentiel pour moi.

Alexandre Jouveaux m'a beaucoup aidée au début en me présentant d'excellents vignerons que je représente encore aujourd'hui. Je n'ai jamais suivi les tendances ni cherché sur internet qui serait la prochaine "grande star" à représenter. J'avais un instinct pour comprendre comment les vins évoluaient, s'ils étaient fragiles ou non, et les sommeliers m'ont fait confiance à cet égard. Je leur en suis très reconnaissant.

Primavin : Pourquoi le nom Primavin ?

Marco : En fait, c'était le nom d'une agence suisse qui importait des vins suisses au départ! En 2009, j'ai racheté cette agence pour que ma vision des vins vivants puisse s'épanouir au Québec. Alain, le propriétaire d'Alep, a également fait partie du projet de 2013 à 2018 !

Primavin : As-tu une formation en sommellerie ?

Marco : Pas du tout ! J'ai un diplôme en sciences, c'est tout. Ma formation s'est faite sur le terrain, en dégustant dans les caves. Je ne me considère pas comme un sommelier, mais plutôt comme un dégustateur obsessionnel. Au départ, je ne prenais aucune note, tout restait dans ma tête. Quand je suis en cave, je me plonge dans une autre dimension... le temps s'arrête! Déguster des vins en fermentation me permet de comprendre la structure même du vin et de voir l'effet du millésime en direct. C'est passionnant.

Ce qui compte le plus pour moi, c'est la relation entre le vigneron et sa matière. Comme je déguste souvent avec eux et que je suis très franc, nous pouvons échanger nos perspectives et faire en sorte que la personnalité de l'artisan s'exprime au maximum dans ses créations.

Primavin : Tu es également copropriétaire du restaurant Verdun Beach. Peux-tu nous parler un peu de ta vision ?

Marc : En fait, Charles a beaucoup apprécié ma vision du vin et j'ai entendu dire qu'il envisageait d'ouvrir un restaurant. J'ai mentionné mon intérêt, et nous nous sommes lancés dans cette aventure ensemble.

L'idée était de créer une carte axée sur les vignerons et leur travail. Nous importons la majorité des cuvées des artisans, ce qui nous permet de mettre en avant la diversité de leurs terroirs. Si vous aimez Juste Ciel de la Petite Baigneuse, vous voudrez certainement essayer leur cuvée Damned après ! 💚 On voulait prendre cette avenue et les clients l'ont embrassé à notre plus grand bonheur.

Primavin : Quelle partie de ton travail apprécies-tu le plus ?

Marco : Aller en cave ! Parler et échanger avec les vignerons, c'est définitivement ce que je préfère. Au début, j'étais seul et je gérais tout, ce qui impliquait beaucoup de tâches administratives et peu de contacts humains. Depuis que je suis retourné vivre en France en 2020, j'ai accès à cette connexion humaine essentielle pour moi.

Primavin : Si l'on vient manger chez Marco, que savourons-nous ?

Marco : J'adore cuisiner à la vapeur, principalement des légumes et du poisson. Je préfère ne pas me compliquer la vie, choisir des produits de saison et ne jamais suivre de recettes. Je vais au feeling, et la cuisson du poisson n'a plus de secret pour moi! Il faut dire que j'habite à Banyuls maintenant, l'accès aux fruits de mer est génial. Je suis partisan d'une cuisine à la fois belle visuellement et assez simple dans les transformations. J'apprécie lorsque l'aliment peut exprimer toute sa splendeur... Comme pour le vin!

Primavin : Et si tu devais choisir un accord ?

Marco : Je n'ai pas de préférence en particulier, je choisis en fonction de l'émotion. Un millésime qui me rappelle un moment, un vigneron avec lequel je veux partager.

Les vins vivants sont faciles à accorder pour moi. C'est là que l'aliment de qualité et le vin vivant se rencontrent. Il y a toujours un élément qui s'accorde avec un autre. Les millésimes 2008 et 2013 sont mes préférés, ils représentent la maturité phénolique ultime. Ils sont fins et élégants, de véritables joyaux sur les cartes.

Primavin : C'est quoi pour toi la quintessence du vin vivant?

Marc : L'équilibre phénolique est d'une grande importance à mes yeux ! Nous sommes souvent obsédés par le fruit, mais l'équilibre subtil joue un rôle majeur dans l'émotion pure. Ce n'est pas une recette, mais plutôt un alignement harmonieux des différentes composantes (terroir, plante, fruit).

Alexandre Jouveaux est l'un des vignerons qui m'a fait comprendre la pureté des vins vivants. Un vigneron est un artiste qui a une vision de la vie et de l'existence, et qui parvient à modeler la matière de manière précise pour nous permettre de vivre cette énergie indescriptible que nous apportent les vins vivants.

J'aime prendre l'exemple de l'élastique. Lorsqu'on le tire suffisamment, une tension se crée et une force de vibration est présente. C'est un peu la même chose pour les vins naturels! Lorsque le vin est sur son "x", il nous fait vibrer! C'est indescriptible comme sensation mais je traduis cela par l'harmonie entre l'artiste et son produit.

Primavin : Quel vin t'a le plus bouleversé ?

Marco : Pfff, je suis toujours bouleversé à ce jour ! J'ai la chance de déguster de belles cuvées régulièrement, et je prends toujours le temps d'être émerveillé à chaque fois que nous ouvrons une bouteille. Mes impressions liés à ce monde sont profondément ancrés en moi et ressurgissent une bouteille à la fois...

Primavin : Dernière question ! Ton restaurant préféré au Québec ?

Marco : Oh, j'en ai fait tellement ! Pour l'esprit de famille, c'est l'Alep ! Les souvenirs créés dans ce lieu sont indélébiles, et l'aspect communautaire de ce restaurant est essentiel pour moi. Les plats sont toujours justes, toujours succulents.

Autrement, à Québec, la gang de l'Affaire est Ketchup m'a vraiment fait vivre des soirées endiablées ! J'ai vécu pendant 3 ans et demi à Québec, car ma compagne y était installée, j'en ai profité "en masse"!

Primavin : Un dernier mot ?

Marco : Je suis dans la partie transmission de Primavin. Transmettre l'idée derrière cette agence et continuer à faire vivre ce beau projet. J'ai envie d'explorer davantage avec mes mains, peut-être renouer avec ma passion pour la danse, qui sait ! Vivre au bord de la mer me ressource énormément après avoir traversé des années plutôt mouvementées.

 

Santé ! 🍷